Mises à jour forcées de Windows 10 : une problématique inutile

Avec le nouveau système d’exploitation de Microsoft, le grand public (les entreprises n’étant pas concernées) ne peuvent pas refuser les mises à jour. Beaucoup de bruit pour rien… Le prochain système d’exploitation de Microsoft, Windows 10, sait créer le tumulte médiatique autour de lui. La pratique est simple : faire en sorte d’alimenter en fausses vraies rumeurs les potentiels utilisateurs de la future mouture… 

 

 

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La stratégie est payante, le monde informatique parle ainsi du futur produit de Microsoft qui profite au passage d’une publicité à un coup imbattable et d’un panel de sondés volontaires en récoltant les avis, les critiques, les idées aussi et parfois des internautes sur les futures fonctionnalités qui seront présentes dans l’OS. Coup de génie commercial de la nouvelle direction de Microsoft, il semble que la stratégie nouvellement proposée semble fonctionner à plein régime. Peut-être même trop…

Le nouvel épisode de ce feuilleton porte sur les mises à jour imposées par Microsoft à ses futurs utilisateurs. Quels sont les faits reprochés au géant américain ? L’accusation affirme que les utilisateurs – les particuliers pour être tout à fait précis – n’auront plus les moyens de refuser les mises à jour de Microsoft. Voilà chose parfaitement scandaleuse ! Oyez populace, révoltez-vous, car en vos chaumières il y a grand péril, entonnent les aboyeurs publics… Idiots utiles, godillots de tout bord, sycophantes, il faut cultiver une cécité avancée pour ne pas voir que ce que vous dénoncez est un fait établi depuis fort longtemps… La problématique des mises à jour qui empiètent sur la sacro-sainte souveraineté du matériel des utilisateurs n’a rien de nouveau. Pire, elle ne se limite même pas à Windows 10 !
Voyons les choses un peu plus objectivement. Tout d’abord – et même si cela est expliqué parfois confusément – seuls les particuliers seront apparemment impactés par cela. Les entreprises pourront toujours choisir de faire ce qu’elles veulent en matière de mise à jour. La raison de ce choix est assez simple : les entreprises ont besoin de sécurité et elles ont les moyens de s’offrir cette sécurité (RSSI, administrateur réseaux, ingénieurs, etc.). Mais cette sécurité est au service de la fiabilité : il faut que les entreprises fonctionnent, quoiqu’il arrive, l’objectif est là. Pour se faire, elles ont besoin de maitriser leurs infrastructures, car elles disposent de logiciels spécifiques qui – parce que mal codés la plupart du temps – ne supportent pas toujours la dernière mise à jour… Les entreprises peuvent ainsi justifier de ce besoin de « contrôle ». Contrôle qui se résume bien souvent à mettre à jour le logiciel défectueux pour qu’il supporte la mise à jour de l’OS. Les entreprises ne gèrent pas (pas plus qu’elles ne refusent, elles délayent simplement) les mises à jour de Microsoft. Elles s’y adaptent, voilà tout.

 

Des mises à jour de Windows opaques

Et le particulier dans tout cela ? Le particulier – on parle ici de madame Tout-le-Monde et non de la minorité de proto-geeks psalmodiant sur leur liberté informatique bafouée – n’a pas besoin de pouvoir manipuler les mises à jour. Honnêtement, combien de personnes « gèrent » le déploiement des mises à jour de Windows chez eux ? Quel intérêt cela aurait-il d’ailleurs ? Les mises à jour de Windows sont opaques, car les sources du système d’exploitation ne sont pas publiques. Allez savoir ce que modifie Microsoft entre deux mises à jour… Et puis, qui voudrait – sous des prétextes fallacieux d’indépendance ou de fausse liberté – se retrouver sans mise à jour de sécurité ? Ceux qui défendent si ardemment ces positions (où la liberté et la maitrise des systèmes informatiques consistent à être vulnérables apparemment) devraient faire attention à ne pas trop cultiver l’art de la contradiction sauf à verser plus tard – en cas de problème justement – dans la palinodie.
Quand on installe un système d’exploitation – et sauf à se le programmer soi-même – on n’est pas libre. On est dépendant de ceux qui le développent et qui produisent les mises à jour. Cela est vrai sous Windows, mais c’est tout aussi vrai sous Debian, Red Hat, Android, etc. Les OS ont des vulnérabilités, c’est un fait, aucun ne peut y couper. Tant que votre machine, équipée d’un système d’exploitation, sera connectée au reste du monde, cette dernière sera vulnérable. Les mises à jour réduisent les surfaces d’attaques dues aux vulnérabilités trouvées et corrigées. Mais si vous voulez être indépendant, si vous êtes un zélateur de la liberté sans limites, si vous ne voulez jamais être attaqué et si vous êtes un poil pingre, la solution de sécurité ultime, pour vous, existe : la déconnexion. Ne vous connectez pas, vous en serez bien moins vulnérable (mais pas invulnérable). Pour le reste – c’est-à-dire le commun des utilisateurs – les mises à jour sont incontournables. C’est valable pour les systèmes d’exploitation, les logiciels, le matériel et les codes de bonne conduite…

 

 

Windows XP : une aubaine pour les botnets

Nous n’avons pas la possibilité de procéder autrement que de faire confiance à Microsoft dans ses mises à jour. D’abord parce que Microsoft n’a aucun intérêt à se faire prendre la main dans le sac en traficotant son système d’exploitation vedette, ensuite parce qu’il n’existe aucune autre alternative. Que Microsoft force la mise à jour des particuliers, voilà bien une scorie qui tente de se voir attribuer artificiellement des lettres de nouveauté. Que les utilisateurs « basiques » n’en aient pas le contrôle n’est pas un mal. De toute façon, dans le meilleur de cas, le particulier ne pouvait déjà qu’accepter les mises à jour ou revenir à des versions précédentes. Dans l’ensemble, cela évitera les erreurs et augmentera de manière significative la sécurité globale des machines équipées de Windows dans le monde. Combien de vieux Windows XP (pour ne pas dire plus anciens…) sont encore en cours d’utilisation, sans avoir les dernières et ultimes mises à jour de leur version… Beaucoup trop, offrant à tous les trafiquants de botnet des cibles idéales.
Ce qui est remarquable, c’est de constater que de telles polémiques naissent, sans coup férir, sur du rien. Qui s’offusque réellement des mises à jour ? Qui se plaint d’Adobe Acrobat Reader, de Mozilla Firefox, de Steam, des antivirus quand ils se mettent à jour ? Eux aussi « modifient sans vous demander et sans vous laissez grand choix » votre machine. Ils ne produisent même pas un rapport détaillé de ce à quoi ils ont touché… Les esprits les plus chagrins ne manqueront pas de souligner que certains de ces logiciels vous « laissent le choix » de faire cette mise à jour. Si la disparition de « reporter », « redémarrer dans quelques minutes » ou « m’avertir avant chaque mise à jour » peut leur apporter de la nostalgie, ce doit être sans commune mesure vis-à-vis des logiciels « installés en plus pour ceux voulus pour qui ne (dé)coche pas toutes les bonnes cases dans l’installeur ».

 

 

Le cénacle des moutons

De toute information, il convient de prendre grand soin à regarder d’où elle provient, de comment elle a été obtenue, sur quoi elle repose pour savoir quel crédit pouvons-nous lui accorder. Ces actes sont basiques pour tout journaliste qui se respecte.
Dans le cas de l’épisode qui nous occupe aujourd’hui, il est intéressant de voir qu’aucun des « acteurs » de cette affaire ne manquent ni de mots, ni de rhétorique pour traiter en galéjade cette histoire somme toute commune. Prenons un exemple, celui-là même qui nous a fait découvrir cette passionnante histoire. Ainsi, on trouve ainsi sur Numerama que Windows 10 « prévoit de rendre les mises à jour incontournables pour les particuliers (…). Microsoft s’arroge de fait le droit de décider ce qui doit être installé ou non sur les ordinateurs. ».
Numerama lui-même cite un journal d’autorité (puisqu’écrit en langue anglaise…) Businessinsider avec « Most Windows users, including consumers who get the free upgrade, will not be able to turn automatic updates off. The key phrase Microsoft keeps using is « Windows as a Service. » ». Businessinsider citant comme source Zdnet (aussi écrit en anglais) avec Mary Jo Foley comme auteur. Et Mary Jo Foley de Zdnet ayant pour source un « contact à elle chez Microsoft »…
L’exégèse de l’article de Mary Jo Foley est savoureuse. On y trouve des passages démontrant une fine connaissance de l’affaire sur laquelle porte son article :
“But some of the company’s reseller partners are seemingly privy to more of the story and are starting to talk, too. Here’s what I’m hearing and starting to piece together, at this point.”
“I’ve heard from one of my contacts that Microsoft is planning to allow (…)”.
“We believe Microsoft is going to be pushing out new feature updates (…)”.
“That, I don’t know. I also don’t know if CBB users will be able to delay pushing new features an indefinite number of times, or only a set number of times.”
Le plus intéressant est de voir que même Microsoft répond à ses déclarations en se refusant à tout commentaire (« Update: A company spokesperson said Microsoft had no comment. »). Quand il y a dans un article autant de « j’ai pu entendre que », de « nous croyons que », de « il semble que » pour terminer par « je ne sais pas », le bon sens le plus élémentaire commanderait de prendre quelques pincettes en relayant l’information donnée par Zdnet… Mais que voulez-vous, le psittacisme est devenu une pratique idoine dans le monde du journalisme. Pire, les reprises gomment les doutes et nuances de l’auteur de Zdnet. On transforme des croyances en faits, la fabrique du mensonge tourne à plein…
L’audience et le relais que ce type d’article insipide peut avoir sont tout simplement surprenants. Les thuriféraires derrière leurs claviers sont devenus légions ! L’« information » donnée ici est, après quelques recherches, l’opinion et les propos d’une ou deux personnes. Le mal de l’affaire vient du fait que cette information est légitimée par plusieurs personnes qui la diffusent. Peut-être ont-ils eu la bienveillance – ou la naïveté, chacun jugera – de croire que l’auteur de l’article à l’origine de tout cela avait écrit après une enquête aboutie.
Schopenhauer écrivait à son époque, à propos de croyance des gens dans les autorités que l’on peut leur donner : « Il n’y a en effet aucune opinion, aussi absurde soit-elle, que les hommes n’aient pas rapidement adoptée dès qu’on a réussi à les persuader qu’elle était généralement acceptée. L’exemple agit sur leur pensée comme sur leurs actes. Ce sont des moutons qui suivent le bélier de tête, où qu’il les conduise : il leur ait plus facile de mourir que de penser ».

 

 

Si la citation de Schopenhauer (voir notre encadré) ne s’applique peut être aussi durement telle qu’elle est écrite pour les journalistes qui ont repris les propos de Zdnet, il est consternant d’observer qu’à notre époque, où l’information n’a jamais été aussi facile d’accès, la désinformation l’est tout autant. L’absence de recherche, d’analyse, de réflexion, d’opinion personnelle, de sens critique (voir de sens tout court), montre ce que peut devenir (ou ce qu’est devenu) ce beau métier : une industrialisation à la chaine de l’information. Reporter les faits plus vite que le voisin, qu’importe la véracité desdits faits, l’analyse à en tirer ou l’importance de ces derniers, tant que cela sort et que la statistique du site est bonne…

 

 

Microsoft force les mises à jour : pas un scoop !

 

 

L’histoire des mises à jour de Windows 10 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce qui peut se faire, s’écrire ou se lire… À la conclusion de cette triste affaire, il faut, peut-être, rechercher le point commun de tous les articles détaillant cette dernière. Leur prix : la gratuité. Faut-il alors s’étonner d’en avoir pour son argent ? La culture, le savoir et la réflexion ont un prix, c’est une autre ambition que souhaite porter ce journal, d’en déplaise aux minus habens de tous bords.
Au final, que Microsoft souhaite forcer les mises à jour chez les particuliers n’est pas en soi une nouvelle : c’est une réalité qui existait déjà dans ses fondements. Au contraire, il conviendrait peut-être plus de se réjouir que les systèmes seront enfin à jour en matière de sécurité. De plus, si les mises à jour des logiciels tiers passent par Microsoft, gageons que Microsoft évaluera ces dernières avant de les déployer sur les systèmes de ses clients (comme pour le Windows Hardware Certification). Cela évitera les épisodes désagréables – et connus de tous – des mises à jour inadaptées ou boguées… Bien sûr, il peut y avoir des dérives, bien sûr que les utilisateurs ne sont pas spécialement libres… Mais est-ce réellement très différent de ce qui se fait déjà ? À la réflexion, pas vraiment… Néanmoins, ce qui serait différent, ce serait une mise à jour dans le logiciel de certains journalistes. Un peu moins de « copier/coller » hâtif, un peu plus de sens critique et de réflexion. La règle est généralisable à l’ensemble de la profession, en tout cas, auprès de tous ceux qui ont pour volonté « d’informer » leurs lecteurs.

 

 

LE PLUS :
Schopenhauer et les adeptes paresseux
Ce que l’on appelle l’opinion commune est, à y bien regarder, l’opinion de deux ou trois personnes ; et nous pourrions nous en convaincre si seulement nous observions comment naît une telle opinion. Nous verrions alors que ce sont d’abord deux ou trois personnes qui l’ont admise ou avancée et affirmée, et qu’on a eu la bienveillance de croire qu’elles l’avaient examinée à fond ; préjugeant de la compétence suffisante de celles-ci, quelques autres se sont mises également à adopter cette opinion, à leur tour, un grand nombre de personnes se sont fiées à ces dernières, leur paresse les incitant à croire d’emblée les choses plutôt que de se donner le mal de les examiner. Ainsi s’est accru de jour en jour le nombre de ces adeptes paresseux et crédules ; car une fois que l’opinion eut pour elle un bon nombre de voix, les suivants ont pensé qu’elle n’avait pu les obtenir que grâce à la justesse de ses fondements. Les autres furent alors contraints de reconnaitre ce qui était communément admis pour ne pas être considérés comme des esprits inquiets s’insurgeant contre des opinions universellement admises, et comme des impertinents se croyant plus malins que tout le monde.
Adhérer devient alors un devoir. Désormais le petit nombre de ceux qui sont capables de juger est obligé de se taire ; et ceux qui ont le droit de parler sont ceux qui sont absolument incapables de se forger une opinion et un jugement à eux, et qui ne sont donc que l’écho des opinions d’autrui. Ils en sont cependant des défenseurs d’autant plus ardents et intolérants. Car ce qu’ils détestent chez celui qui pense autrement, ce n’est pas tant l’opinion différente qu’il prône que l’outrecuidance qu’il y a à vouloir juger par soi-même – ce qu’ils ne font bien sûr jamais eux-mêmes, et dont ils ont conscience dans leur for intérieur. Bref, très peu de gens savent réfléchir, mais tous veulent avoir des opinions ; que leur reste-t-il que de les adopter telles que les autres les leur proposent au lieu de se les forger eux-mêmes ? »

 

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