Enquête d’un détective : les obligations des entreprises

La concurrence déloyale et la fraude aux arrêts maladie représentent plus de 60 % des enquêtes des détectives privés. Mais la surveillance des salariés est très réglementée. Explications avec Olivier de Ripert, détective.

 

Propos recueillis par Philippe Richard

 

 

Le détective privé... version Hollywood.
Le détective privé… version Hollywood.

Pour de nombreuses personnes, le détective est celui que l’on contacte pour surveiller sa femme ou son mari. Cette vision correspond-elle encore à la réalité ?
Le mythe ou le cliché du détective coiffé d’un chapeau et derrière son journal en train de surveiller le mari volage est encore tenace. Mais la profession a énormément évolué. Elle est strictement réglementée par des conditions de moralité, de probité, de bonnes mœurs, de qualification, etc. Ces conditions sont vérifiées par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) qui est un établissement public administratif sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
L’enquêteur de droit privé — dont l’essence consiste à rechercher des preuves, notamment dans le cadre des procédures civiles et commerciales — est officiellement considéré, par les autorités publiques françaises, comme « un des acteurs privilégiés de l’effectivité même des droits de la défense ».

Les entreprises font-elles de plus en plus appel aux détectives ?
Désormais, la lutte contre la concurrence déloyale ou la fraude aux arrêts maladie représentent plus de 60 % des enquêtes. Les recherches d’adultère sont beaucoup moins fréquentes et les techniques ont aussi beaucoup évolué.

Quelles sont leurs demandes ?
Travaillant pour le compte de juristes, d’entreprises et de particuliers, ce professionnel peut être saisi dans le cadre de très nombreux dossiers ayant trait à des litiges professionnels, économiques, financiers ou d’assurances, à des recherches en vue d’éclairer des procédures et bien sûr, à des conflits familiaux.

La charge de la preuve est toujours délicate. Quel est le cadre légal de la recevabilité d’une preuve ?
L’article 9 du Code de Procédure Civile précise qu’il « incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Comme il n’existe pas de « juge d’instruction » chargé d’établir les faits, que les services de Police et de Gendarmerie n’ont ni qualité, ni compétence, ni aucun droit pour intervenir, chacune des parties doit rechercher, elle-même, à établir et fixer les preuves qu’elle entend faire valoir devant le juge civil, lui-même encadré par les limites du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le juge civil est, en fait, essentiellement un arbitre chargé de rappeler le droit et de trancher en fonction des éléments avancés par les parties. Il peut aussi, à la requête d’une partie, ordonner la production de certaines pièces, voire nommer un expert pour établir les responsabilités ou un huissier pour constater un fait précis (ordonnance sur requête). Ces mesures – limitées – ne correspondent pas à des enquêtes. Elles ne permettent généralement pas d’établir l’existence de manœuvres dolosives, d’infractions contractuelles.

 

 

Concurrence déloyale

 

Elles permettent encore moins de rechercher des preuves finement dissimulées, notamment dans les litiges de concurrence déloyale, mais aussi pour des affaires commerciales ou financières, de fraudes aux assurances, de violation du contrat de travail ou des obligations de sécurité au détriment de l’entreprise et des autres salariés, ou encore dans les cas de harcèlement, de discrimination….
L’huissier de justice est également un acteur utile dans l’établissement de la preuve, mais son action est réduite au constat de pure forme.
L’Huissier de Justice ne pourra que constater des faits purement matériels, et, au demeurant, il n’a ni le temps, ni la formation, ni même le droit de procéder à des investigations.
En droit civil et commercial, la partie victime d’un préjudice qui souhaite rechercher, établir et fixer les preuves, fera donc appel à un enquêteur de droit privé qui, seul, couvre un large champ d’investigation.

Quels sont les principes liés à la surveillance des salariés ?
Il incombe au chef d’entreprise de surveiller les agissements de son personnel, sinon sa responsabilité peut être mise en cause. Néanmoins l’employeur a l’obligation de se conforter à certaines règles quand il souhaite surveiller ses employés tels que l’information des salariés, la proportionnalité des moyens de preuve et le principe de loyauté.
L’employeur aidé du détective dispose de différents modes légaux de surveillance.
En tout état de cause et compte tenu de la réglementation très stricte qui enserre le chef d’entreprise et régit la surveillance des salariés, une étude détaillée systématique doit être faite afin de pouvoir agir, avec pragmatisme et efficacité, afin d’encadrer légalement l’enquête.

 

 

 

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